blement dans certaines usines diminution de la qualité du travail, du fait que les contrôleurs et vérificateurs, ne subissant plus au même degré la pression patronale et devenus sensibles à celle de leurs camarades, sont devenus plus larges pour les pièces loupées. Quant à la discipline, les ouvriers se sont sentis le pouvoir de désobéir et en ont profité de temps à autre. Ils ont tendance, notamment, à refuser l’obéissance aux contremaîtres qui n’adhèrent pas à la C. G. T. Dans certains endroits, particulièrement à Maubeuge, des contremaîtres ont presque perdu le pouvoir de déplacer les ouvriers. Il y a eu plusieurs cas de refus d’obéissance devant lesquels la maîtrise a dû s’incliner ; il y a eu aussi des cas fréquents de réunions pendant les heures de travail, à quelques-uns, ou par équipes, ou par ateliers, et de débrayage pour des motifs insignifiants.
Les contremaîtres, habitués à commander brutalement et qui avant juin n’avaient presque jamais eu besoin de persuader se sont trouvés tout à fait désorientés ; placés entre les ouvriers et la direction devant laquelle ils étaient responsables, mais qui ne les soutenait pas, leur situation est devenue moralement très difficile. Aussi sont-ils passés peu à peu pour la plupart, surtout à Lille, dans le camp anti-ouvrier, et cela même lorsqu’ils gardaient la carte de la C. G. T. À Lille, on a remarqué que vers le mois d’octobre, ils commençaient à revenir à leurs manières autoritaires d’autrefois. Quant aux directeurs et aux patrons, ils ont presque tout laissé faire, presque tout supporté passivement et sans rien dire ; mais les griefs et les rancœurs se sont accumulés dans leur esprit, et le jour où pour couronner tout le reste une grève apparemment sans objectif a éclaté, ils se sont trouvés décidés à briser le syndicat au prix de n’importe quels sacrifices. Dès lors le conflit a eu pour objectif les conquêtes mêmes de juin qu’il s’agissait d’un côté de conserver, de l’autre de détruire, alors que jusque-là ces conquêtes n’étaient même pas mises en question. Et les patrons, en voyant la misère accabler peu à peu les grévistes, ont pu se rendre compte de leur pouvoir, dont ils avaient perdu conscience depuis juin.
La désaffection des techniciens à l’égard du mouvement ouvrier est au reste une des principales causes qui ont amené le patronat à reprendre confiance dans sa propre force. Cette désaffection progressive, que l’on pouvait prévoir dès le mois de juin, qu’il était impossible d’éviter