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REMARQUES SUR LES ENSEIGNEMENTS
À TIRER DES CONFLITS DU NORD[1]
(1936-1937 ?)



Question sur la discipline, de la qualité et du rendement.


Il y a d’autant plus intérêt à examiner sérieusement cette question qu’elle se pose plus ou moins pour toute l’industrie française. Dans le Nord, elle est devenue rapidement l’objectif essentiel des conflits. Les patrons ont lutté pour les sanctions avec le sentiment de défendre la cause de l’autorité dans la France entière ; les ouvriers avec le sentiment de défendre les conquêtes morales de juin pour toute la classe ouvrière de France. Il serait absurde de considérer, comme on l’a fait jusqu’ici dans des déclarations officielles, que les plaintes des patrons sont entièrement mensongères ; car elles ne le sont pas. Elles sont certes exagérées, mais elles contiennent une part de vérité incontestable.

Il est facile de comprendre les données du problème. Avant juin, les usines vivaient sous le régime de la terreur. Cette terreur amenait fatalement les patrons, même les meilleurs, aux solutions de facilité. Le choix des chefs était devenu presque indifférent ; ils n’avaient pas besoin de se faire respecter parce qu’ils avaient le pouvoir de tout faire plier devant eux ; ils n’avaient même pas besoin, le plus souvent, de compétence technique parce qu’on poursuivait la baisse du prix de revient par l’aggravation de la cadence et la baisse du salaire. Toute l’organisation du travail était comprise de manière à faire appel, chez les ouvriers, aux mobiles les plus bas, la peur, le désir de se faire bien voir, l’obsession des sous, la jalousie entre camarades. Le mois de juin a apporté à la classe ouvrière

  1. Rapport à la C. G. T. au retour d’une mission (1936-1937 ?).