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nante soit non d’augmenter toujours le rendement au maximum, mais d’organiser les conditions de travail les plus humaines compatibles avec le rendement indispensable à l’existence de l’usine.

Il faudrait d’autre part que les ouvriers connaissent et comprennent les nécessités auxquelles la vie de l’usine est soumise. Ils pourraient ainsi contrôler et apprécier la bonne volonté des chefs. Ils perdraient le sentiment d’être soumis à des ordres arbitraires, et les souffrances inévitables deviendraient peut-être moins amères à supporter.

Bien sûr, cet idéal n’est pas réalisable. Les préoccupations quotidiennes pèsent beaucoup trop sur les uns et sur les autres. D’ailleurs la relation de chef à subordonné n’est pas de celles qui facilitent la compréhension mutuelle. On ne comprend jamais tout à fait ceux à qui on donne des ordres. On ne comprend jamais tout à fait non plus ceux de qui on reçoit des ordres.

Mais cet idéal, on peut peut-être un peu s’en approcher. Il dépend maintenant de vous d’essayer. Même si vos petits articles n’ont pas pour résultat de sérieuses améliorations pratiques, vous aurez toujours la satisfaction d’avoir une fois exprimé votre point de vue à vous.


Ainsi c’est entendu, n’est-ce pas ? Je compte bien recevoir bientôt beaucoup d’articles.

Je ne veux pas terminer sans remercier de tout cœur M. B. pour avoir bien voulu publier cet appel.




Bourges, 31 janvier 1936.
Monsieur,

Votre lettre supprime toutes les raisons qui me détournaient d’aller à R. J’irai donc vous voir, sauf avis contraire de votre part, le vendredi 14 février après déjeuner.

Vous jugez la manière dont je me représente les conditions morales de vie des ouvriers trop poussée au noir. Que vous répondre, sinon vous répéter — si pénible que soit un pareil aveu — que j’ai eu, moi, tout le mal du monde à conserver le sentiment de ma dignité ? À parler