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transformés en organisations uniques et obligatoires était l’aboutissement naturel, inévitable de ce changement d’esprit. Au fond, l’action du gouvernement de Vichy à cet égard a été presque nulle. La C. G. T. n’a pas été victime d’un viol de sa part. Il y a longtemps qu’elle n’était plus en état de l’être.

L’État n’est pas particulièrement qualifié pour prendre la défense des malheureux. Il en est même à peu près incapable, s’il n’y est pas contraint par une nécessité de salut public urgente, évidente, et par une poussée de l’opinion.

En ce qui concerne la formation de la jeunesse ouvrière, la nécessité de salut public est aussi urgente et évidente que possible. Quant à la poussée de l’opinion, il faut la susciter, et commencer dès maintenant, en se servant des embryons d’organismes syndicaux authentiques, de la J. O. C., des groupes d’études et des mouvements de jeunesse, même officiels.

Les bolcheviks russes ont passionné leur peuple en lui proposant la construction d’une grande industrie. Ne pourrions-nous passionner le nôtre en lui proposant la construction d’une population ouvrière d’un type nouveau ? Un tel objet serait en accord avec le génie de la France.

La formation d’une jeunesse ouvrière doit dépasser la formation purement professionnelle. Elle doit, bien entendu, comporter une éducation, comme la formation de toute jeunesse ; et pour cela il est désirable que l’apprentissage ne se fasse pas dans les écoles, où il se fait toujours mal, mais soit baigné tout de suite dans la production elle-même. Pourtant on ne peut pas non plus le confier aux usines. Il y a là des efforts d’invention à faire. Il faudrait quelque chose qui combine les avantages de l’école professionnelle, ceux de l’apprentissage en usine, ceux du chantier de compagnons du type actuel, et beaucoup d’autres en plus.

Mais la formation d’une jeunesse ouvrière, surtout dans un pays comme la France, implique aussi une instruction, une participation à une culture intellectuelle. Il faut qu’ils se sentent chez eux aussi dans le monde de la pensée.

Quelle participation, et quelle culture ? C’est un débat qui dure depuis longtemps. Dans certains milieux, autrefois, on parlait beaucoup de culture ouvrière. D’autres disaient qu’il n’y a pas