Page:Weil - L’Enracinement, 1949.djvu/50

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Quand les modalités d’échange et d’acquisition entraînent le gaspillage des nourritures matérielles et morales, elles sont à transformer.

Il n’y a aucune liaison de nature entre la propriété et l’argent. La liaison établie aujourd’hui est seulement le fait d’un système qui a concentré sur l’argent la force de tous les mobiles possibles. Ce système étant malsain, il faut opérer la dissociation inverse.

Le vrai critérium, pour la propriété, est qu’elle est légitime pour autant qu’elle est réelle. Ou plus exactement, les lois concernant la propriété sont d’autant meilleures qu’elles tirent mieux parti des possibilités enfermées dans les biens de ce monde pour la satisfaction du besoin de propriété commun à tous les hommes.

Par conséquent, les modalités actuelles d’acquisition et de possession doivent être transformées au nom du principe de propriété. Toute espèce de possession qui ne satisfait chez personne le besoin de propriété privée ou collective peut raisonnablement être regardée comme nulle.

Cela ne signifie pas qu’il faille la transférer à l’État, mais plutôt essayer d’en faire une propriété véritable.

LA VÉRITÉ

Le besoin de vérité est plus sacré qu’aucun autre. Il n’en est pourtant jamais fait mention. On a peur de lire quand on s’est une fois rendu compte de la quantité et de l’énormité des faussetés matérielles étalées sans honte, même dans les livres des auteurs les plus réputés. On lit alors comme on boirait l’eau d’un puits douteux.

Il y a des hommes qui travaillent huit heures par jour et font le grand effort de lire le soir pour s’instruire. Ils ne peuvent pas se livrer à des vérifications dans les grandes bibliothèques. Ils croient le livre sur parole. On n’a pas le droit de leur donner à manger du faux. Quel sens cela a-t-il d’alléguer que les auteurs