Page:Weil - L’Enracinement, 1949.djvu/49

Cette page a été validée par deux contributeurs.

et d’un peu de terre autour, et, quand il n’y a pas impossibilité technique, de leurs instruments de travail. La terre et le cheptel sont au nombre des instruments du travail paysan.

Le principe de la propriété privée est violé dans le cas d’une terre travaillée par des ouvriers agricoles et des domestiques de ferme aux ordres d’un régisseur, et possédée par des citadins qui en touchent les revenus. Car de tous ceux qui ont une relation avec cette terre, il n’y a personne qui, d’une manière ou d’une autre, n’y soit étranger. Elle est gaspillée, non du point de vue du blé, mais du point de vue de la satisfaction qu’elle pourrait fournir au besoin de propriété.

Entre ce cas extrême et l’autre cas limite du paysan qui cultive avec sa famille la terre qu’il possède, il y a beaucoup d’intermédiaires où le besoin d’appropriation des hommes est plus ou moins méconnu.

LA PROPRIÉTÉ COLLECTIVE

La participation aux biens collectifs, participation consistant, non pas en jouissance matérielle, mais en un sentiment de propriété, est un besoin non moins important. Il s’agit d’un état d’esprit plutôt que d’une disposition juridique. Là où il y a véritablement une vie civique, chacun se sent personnellement propriétaire des monuments publics, des jardins, de la magnificence déployée dans les cérémonies, et le luxe que presque tous les êtres humains désirent est ainsi accordé même aux plus pauvres. Mais ce n’est pas seulement l’État qui doit fournir cette satisfaction, c’est toute espèce de collectivité.

Une grande usine moderne constitue un gaspillage en ce qui concerne le besoin de propriété. Ni les ouvriers, ni le directeur qui est aux gages d’un conseil d’administration, ni les membres du conseil qui ne la voient jamais, ni les actionnaires qui en ignorent l’existence, ne peuvent trouver en elle la moindre satisfaction à ce besoin.