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faute contre l’honneur ou délit de noyautage ; délit qui impliquerait d’ailleurs une organisation illégale et par suite exposerait à un châtiment plus grave.

Il y aurait là véritablement une mesure de salut public, l’expérience ayant montré que les États totalitaires sont établis par les partis totalitaires, et que les partis totalitaires se forgent à coups d’exclusions pour délit d’opinion.

L’autre condition pourrait être qu’il y ait réellement circulation d’idées, et témoignage tangible de cette circulation, sous forme de brochures, revues ou bulletins dactylographiés dans lesquels soient étudiés des problèmes d’ordre général. Une trop grande uniformité d’opinions rendrait un groupement suspect.

Au reste, tous les groupements d’idées seraient autorisés à agir comme bon leur semblerait, à condition de ne pas violer la loi et de ne contraindre leurs membres par aucune discipline.

Quant aux groupements d’intérêts, leur surveillance devrait impliquer d’abord une distinction ; c’est que le mot intérêt exprime quelquefois le besoin et quelquefois tout autre chose. S’il s’agit d’un ouvrier pauvre, l’intérêt, cela veut dire la nourriture, le logement, le chauffage. Pour un patron, cela veut dire autre chose. Quand le mot est pris au premier sens, l’action des pouvoirs publics devrait consister principalement à stimuler, soutenir, protéger la défense des intérêts. Au cas contraire, l’activité des groupements d’intérêts doit être continuellement contrôlée, limitée, et toutes les fois qu’il y a lieu réprimée par les pouvoirs publics. Il va de soi que les limites les plus étroites et les châtiments les plus douloureux conviennent à celles qui par nature sont les plus puissantes.

Ce qu’on a appelé la liberté d’association a été en fait jusqu’ici la liberté des associations. Or les associations n’ont pas à être libres ; elles sont des instruments, elles doivent être asservies. La liberté ne convient qu’à l’être humain.

Quant à la liberté de pensée, on dit vrai dans une large mesure quand on dit que sans elle il n’y a pas de pensée. Mais il est plus vrai encore de dire que quand la pensée n’existe pas, elle n’est pas non plus libre. Il y avait eu beaucoup de liberté de pensée