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petits pour le fascisme montre que, malgré tout, eux aussi s’ennuient.

Le gouvernement de Vichy a créé en France pour les ouvriers des organisations professionnelles uniques et obligatoires. Il est regrettable qu’il leur ait donné, selon la mode moderne, le nom de corporation, qui désigne en réalité quelque chose de tellement différent et de si beau. Mais il est heureux que ces organisations mortes soient là pour assumer la partie morte de l’activité syndicale. Il serait dangereux de les supprimer. Il vaut bien mieux les charger de l’action quotidienne pour les gros sous et les revendications dites immédiates. Quant aux partis politiques, s’ils étaient tous rigoureusement interdits dans un climat général de liberté, il faut espérer que leur existence clandestine serait au moins difficile.

En ce cas, les syndicats ouvriers, s’il y reste encore une étincelle de vie véritable, pourraient redevenir peu à peu l’expression de la pensée ouvrière, l’organe de l’honneur ouvrier. Selon la tradition du mouvement ouvrier français, qui s’est toujours regardé comme responsable de tout l’univers, ils s’intéresseraient à tout ce qui touche à la justice — y compris, le cas échéant, les questions de gros sous, mais de loin en loin et pour sauver des êtres humains de la misère.

Bien entendu, ils devraient pouvoir exercer une influence sur les organisations professionnelles selon des modalités définies par la loi.

Il n’y aurait peut-être que des avantages à interdire aux organisations professionnelles de déclencher une grève, et à le permettre aux syndicats, avec des réserves, en faisant correspondre des risques à cette responsabilité, en interdisant toute contrainte, et en protégeant la continuité de la vie économique.

Quant au lock-out, il n’y a pas de motif de ne pas l’interdire tout à fait.

L’autorisation des groupements d’idées pourrait être soumise à deux conditions. L’une, que l’excommunication n’y existe pas. Le recrutement se ferait librement par voie d’affinité, sans toutefois que personne puisse être invité à adhérer à un ensemble d’affirmations cristallisées en formules écrites ; mais un membre une fois admis ne pourrait être exclu que pour