la lutte serait trop épuisante s’il n’y avait un appui extérieur. Mais le châtiment le plus indispensable à l’âme est celui du crime. Par le crime un homme se met lui-même hors du réseau d’obligations éternelles qui lie chaque être humain à tous les autres. Il ne peut y être réintégré que par le châtiment, pleinement s’il y a consentement de sa part, sinon imparfaitement. De même que la seule manière de témoigner du respect à celui qui souffre de la faim est de lui donner à manger, de même le seul moyen de témoigner du respect à celui qui s’est mis hors la loi est de le réintégrer dans la loi en le soumettant au châtiment qu’elle prescrit.
Le besoin de châtiment n’est pas satisfait là où, comme c’est généralement le cas, le code pénal est seulement un procédé de contrainte par la terreur.
La satisfaction de ce besoin exige d’abord que tout ce qui touche au droit pénal ait un caractère solennel et sacré ; que la majesté de la loi se communique au tribunal, à la police, à l’accusé, au condamné, et cela même dans les affaires peu importantes, si seulement elles peuvent entraîner la privation de la liberté. Il faut que le châtiment soit un honneur, que non seulement il efface la honte du crime, mais qu’il soit regardé comme une éducation supplémentaire qui oblige à un plus grand degré de dévouement au bien public. Il faut aussi que la dureté des peines réponde au caractère des obligations violées et non aux intérêts de la sécurité sociale.
La déconsidération de la police, la légèreté des magistrats, le régime des prisons, le déclassement définitif des repris de justice, l’échelle des peines qui prévoit une punition bien plus cruelle pour dix menus vols que pour un viol ou pour certains meurtres, et qui même prévoit des punitions pour le simple malheur, tout cela empêche qu’il existe parmi nous quoi que ce soit qui mérite le nom de châtiment.
Pour les fautes comme pour les crimes, le degré d’impunité doit augmenter non pas quand on monte, mais quand on descend l’échelle sociale. Autrement les souffrances infligées sont ressenties comme des contraintes ou même des abus de pouvoir, et ne constituent pas des châtiments. Il n’y a châtiment que si la souffrance s’accompagne à quelque moment, fût-ce après coup, dans le souvenir, d’un sentiment de justice. Comme le musicien