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céleste les nourrit… Voyez les lis des champs, comme ils croissent ; ils ne travaillent ni ne filent, et je vous dis que Salomon dans tout son éclat n’a pas été vêtu comme l’un d’eux… Est-ce que deux moineaux ne se vendent pas un sou ? Et il n’en tombe pas un sur la terre sans votre Père. » Cela signifie que la sollicitude dont les saints sont l’objet de la part de Dieu est de la même espèce que celle qui enveloppe les oiseaux et les lis. Les lois de la nature règlent la manière dont la sève monte dans les plantes et s’épanouit en fleurs, dont les oiseaux trouvent la nourriture ; et elles sont disposées de telle sorte qu’il se produit de la beauté. Les lois de la nature sont aussi disposées providentiellement de telle sorte que, parmi les créatures humaines, la résolution de rechercher premièrement le royaume et la justice du Père céleste n’entraîne pas automatiquement la mort.

On peut aussi dire, si l’on veut, que Dieu veille sur chaque oiseau, chaque fleur et chaque saint ; cela revient au même. La relation du tout aux parties est propre à l’intelligence humaine. Sur le plan des événements en tant que tels, soit que l’on considère l’univers comme un tout, ou l’une quelconque de ses parties, découpée comme on voudra dans l’espace, dans le temps, dans n’importe quelle classification ; ou une autre partie, ou une autre, ou une collection de parties ; bref qu’on use des notions de tout et de partie comme on voudra, la conformité à la volonté de Dieu reste invariable. Il y a autant de conformité à la volonté de Dieu dans une feuille qui tombe sans être vue que dans le déluge. Sur le plan des événements, la notion de conformité à la volonté de Dieu est identique à la notion de réalité.

Sur le plan du bien et du mal, il peut y avoir conformité ou non conformité à la volonté de Dieu selon la relation au bien et au mal. La foi dans la Providence consiste à être certain que l’univers dans sa totalité est conforme à la volonté de Dieu non seulement au premier sens, mais aussi au second ; c’est-à-dire que dans cet univers le bien l’emporte sur le mal. Il ne peut s’agir là que de l’univers dans sa totalité, car dans les choses particulières nous ne pouvons malheureusement pas douter qu’il y ait du mal. Ainsi l’objet de cette certitude est une disposition éternelle et universelle constituant le fondement de l’ordre invariable du monde. La Providence divine n’apparaît jamais autrement, sauf