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le cœur des Français, il faut choisir celles dont il est bon qu’un écho soit éveillé ; dire et redire celles-là ; taire les autres, afin de provoquer l’extinction de ce qu’il est avantageux de faire disparaître.

Quels seront les critères du choix ?

On peut en concevoir deux. L’un, le bien, au sens spirituel du mot. L’autre, l’utilité. C’est-à-dire, bien entendu, l’utilité relativement à la guerre et aux intérêts nationaux de la France.

Au sujet du premier critère, il y a tout d’abord un postulat à examiner. Il faut le peser très attentivement, très longuement, en son âme et conscience, puis l’adopter ou le rejeter une fois pour toutes.

Un chrétien ne peut que l’adopter.

C’est le postulat que ce qui est spirituellement bien est bien à tous égards, sous tous les rapports, en tout temps, en tout lieu, en toutes circonstances.

C’est ce qu’exprime le Christ par les paroles : « Est-ce qu’on récolte dans les épines des grappes mûres, ou dans les chardons des figues ? Ainsi tout arbre bon fait de beaux fruits ; l’arbre pourri fait des fruits mauvais. Un arbre bon ne peut pas porter de mauvais fruits, ni un arbre pourri porter de beaux fruits. »

Voici le sens de ces mots. Au-dessus du domaine terrestre, charnel, où se meuvent d’ordinaire nos pensées, et qui est partout un mélange inextricable de bien et de mal, il s’en trouve un autre, le domaine spirituel, où le bien n’est que bien et, même dans le domaine inférieur, ne produit que du bien ; où le mal n’est que mal et ne produit que du mal.

C’est une conséquence directe de la foi en Dieu. Le bien absolu n’est pas seulement le meilleur de tous les biens — ce serait alors un bien relatif — mais le bien unique, total, qui enferme en lui à un degré éminent tous les biens, y compris ceux que recherchent les hommes qui se détournent de lui.

Tout bien pur issu directement de lui a une propriété analogue.

Ainsi parmi la liste des échos susceptibles d’être excités de Londres dans le cœur des Français, il faut d’abord choisir tout ce qui est purement et authentiquement bien, sans aucune considération d’opportunité, sans aucun autre examen que celui de l’authenticité ; et il faut leur renvoyer tout cela, souvent,