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sourdes et à des besoins sourds des êtres humains qui composent le peuple français, c’est là un procédé merveilleusement bien adapté à la tâche qu’il s’agit d’accomplir, à condition qu’il soit mis en œuvre comme il faut.

Pour cela, il faut d’abord en France un organisme récepteur. C’est-à-dire des gens dont la première tâche, la première préoccupation, soit de discerner ces pensées sourdes, ces besoins sourds, et de les communiquer à Londres.

Ce qui est indispensable pour cette tâche, c’est un intérêt passionné pour les êtres humains, quels qu’ils soient, et pour leur âme, une capacité de se mettre à leur place et de faire attention aux signes des pensées non exprimées, un certain sens intuitif de l’histoire en cours d’accomplissement, et la faculté d’exprimer par écrit des nuances délicates et des relations complexes.

Étant donné l’étendue et la complexité de la chose à observer, il devrait y avoir un grand nombre de tels observateurs ; mais en fait c’est impossible. Du moins est-il urgent d’utiliser ainsi quiconque est utilisable ainsi, sans exception.

En supposant qu’il y a en France un organe récepteur, insuffisant — il ne peut pas ne pas l’être — mais réel, la seconde opération, la plus importante de très loin, a lieu à Londres. C’est celle du choix. C’est celle qui est susceptible de modeler l’âme du pays.

La connaissance des paroles susceptibles d’avoir un écho au cœur des Français, comme répondant à quelque chose qui est déjà dans leur cœur, cette connaissance est uniquement une connaissance de fait. Elle ne contient aucune indication d’un bien, et la politique, comme toute activité humaine, est une activité dirigée vers un bien.

L’état du cœur des Français, ce n’est pas autre chose qu’un fait. En principe cela ne constitue ni un bien ni un mal ; en fait cela est composé d’un mélange de bien et de mal, selon des proportions qui peuvent beaucoup varier.

C’est là une vérité évidente, mais qu’il est bon de se répéter, parce que la sentimentalité naturellement attachée à l’exil pourrait la faire plus ou moins oublier.

Parmi toutes les paroles susceptibles d’éveiller un écho dans