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d’un pays. N’ayant pas sur les Français d’autorité gouvernementale même nominale, même fictive, tirant tout du libre consentement, il a quelque chose d’un pouvoir spirituel. La fidélité incorruptible aux heures les plus sombres, le sang versé tous les jours librement en son nom, lui donnent droit à user librement des plus beaux mots du langage. Il est situé exactement comme il doit l’être pour faire entendre au monde le langage de la France. Un langage qui tire son autorité, non pas d’une puissance, qui a été anéantie par la défaite, ni d’une gloire, qui a été effacée par la honte, mais d’abord d’une élévation de pensée qui soit à la mesure de la tragédie présente, ensuite d’une tradition spirituelle gravée au cœur des peuples.

La double mission de ce mouvement est facile à définir. Aider la France à trouver au fond de son malheur une inspiration conforme à son génie et aux besoins actuels des hommes en détresse. Répandre cette inspiration, une fois retrouvée ou du moins entrevue, à travers le monde.

Si l’on s’attache à cette double mission, beaucoup de choses d’un ordre moins élevé seront accordées par surcroît. Si l’on s’attache d’abord à ces choses-là, celles-là même nous seront refusées.

Bien entendu, il ne s’agit pas d’une inspiration verbale. Toute inspiration réelle passe dans les muscles et sort en actions ; et aujourd’hui les actions des Français ne peuvent être que celles qui contribuent à chasser l’ennemi.

Pourtant il ne serait pas juste de penser que le mouvement français de Londres a pour mission seulement d’élever au plus haut degré d’intensité possible l’énergie des Français dans la lutte contre l’ennemi.

Sa mission est d’aider la France à retrouver une inspiration authentique, et qui, par son authenticité même, s’épanche naturellement en dépense d’effort et d’héroïsme pour la libération du pays.

Cela ne revient pas au même.

C’est parce qu’il est nécessaire d’accomplir une mission d’un ordre si élevé que les moyens grossiers et efficaces des menaces, des promesses et de la suggestion ne sauraient suffire.

Au contraire, l’usage de paroles répondant à des pensées