tion, qui a distribué aux dieux leurs parts et leurs fonctions, ce qui est le propre du maître souverain, qu’on s’attend à voir un jour égal à Zeus en puissance, il s’est réduit à l’impuissance totale, mis dans un endroit désert où nul ne peut lui parler ou l’entendre (si en fait, dans la tragédie, il a des interlocuteurs, c’est qu’il en faut bien au théâtre), fixé par des clous et des chaînes dans une immobilité complète, dans une position contre nature, incapable de satisfaire à ce besoin de se cacher qui est tellement intense dans l’humiliation du malheur, exposé aux regards de quiconque aurait le caprice de venir jouir de sa détresse, haï des dieux, abandonné des hommes.
Il n’a pas eu peur de Zeus et il a vénéré les hommes. À force de vouloir du bien, il a été insensé. (Toutes ces expressions sont dans le texte.)
Ses dons aux humains sont d’abord le salut, puisqu’il a empêché que Zeus les anéantisse. Il ne dit pas comment. Mais c’est pour cela qu’il souffre. Puis le feu et l’intelligence de l’ordre du monde, du nombre et des techniques. Mais il les a aussi libérés de l’attente de la mort en mettant en eux d’aveugles espérances. Aveugles est dit ici comme la nuit de la foi chez saint Jean de la Croix. C’est l’espérance de l’immortalité. Ceci rapproche Prométhée de l’Osiris égyptien, dieu de l’immortalité.
Mais lui qui a délivré les hommes ne peut pas se délivrer lui-même.
Pourtant, tout impuissant qu’il est, il est en un sens plus puissant que Zeus. Il y a quelque chose de très singulier, au sujet de Zeus, dans cette tragédie. Partout ailleurs dans Eschyle l’attribut essentiel de Zeus est la sagesse. Il n’est que secondairement puissant, juste, bon, miséricordieux. Il est, avant tout, le Dieu sage. Dans cette tragédie, il manque de sagesse au point que cette