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Cela semble une position d’équilibre instable, mais la fidélité, dont j’espère que Dieu ne me refusera pas la grâce, permet d’y demeurer indéfiniment sans bouger, ἐν ὑπομένῃ (en hupoménê).

C’est pour le service du Christ en tant qu’il est la Vérité que je me prive d’avoir part à sa chair de la manière qu’il a instituée. Il m’en prive, plus exactement, car jamais je n’ai eu jusqu’ici même une seconde l’impression d’avoir le choix. Je suis aussi certaine qu’un être humain a le droit de l’être que je suis ainsi privée pour toute ma vie ; sauf peut-être — seulement peut-être — au cas où les circonstances m’ôteraient définitivement et totalement la possibilité du travail intellectuel.

Si cela doit faire de la peine au P. Perrin, je peux seulement souhaiter qu’il m’oublie rapidement ; car j’aimerais infiniment mieux n’avoir aucune part en ses pensées que d’être cause pour lui du moindre chagrin. Sauf pourtant au cas où il pourrait en tirer un bien.

Pour revenir à ma liste, je vous envoie aussi le papier sur l’usage spirituel des études scolaires que j’avais emporté par erreur. Il est aussi pour le P. P., en raison de ses rapports indirects avec les jécistes de Montpellier. Au reste, qu’il en fasse tout ce qu’il voudra.

Laissez-moi vous remercier encore du fond du cœur pour votre gentillesse à mon égard. Je penserai souvent à vous. J’espère que nous pourrons avoir de temps en temps des nouvelles l’une de l’autre ; mais ce n’est pas sûr.

Amicalement


Simone Weil.