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tre de souhaiter que même si vous avez un jour l’honneur de mourir pour le Seigneur d’une mort violente, ce soit dans la joie et sans aucune angoisse ; et que seules trois des béatitudes (mites, mundo corde, pacifici) s’appliquent à vous. Toutes les autres enferment plus ou moins des souffrances.

Ce vœu n’est pas dû seulement à la faiblesse de l’amitié humaine. Pour n’importe quel être humain pris en particulier, je trouve toujours des raisons de conclure que le malheur ne lui convient pas, soit qu’il me paraisse trop médiocre pour une chose si grande, ou au contraire trop précieux pour être détruit. On ne peut manquer plus gravement au second des deux commandements essentiels. Et quant au premier, j’y manque d’une manière encore bien plus horrible, car toutes les fois que je pense à la crucifixion du Christ, je commets le péché d’envie.

Croyez, plus que jamais et pour toujours, à mon amitié filiale et tendrement reconnaissante.


Simone Weil.