tout votre Ordre. Vous ne pouvez pas prévoir comment les choses tourneront.
Pour que l’attitude actuelle de l’Église soit efficace et pénètre vraiment, comme un coin, dans l’existence sociale, il faudrait qu’elle dise ouvertement qu’elle a changé ou veut changer. Autrement, qui pourrait la prendre au sérieux, en se souvenant de l’Inquisition ? Excusez-moi de parler de l’Inquisition ; c’est une évocation que mon amitié pour vous, qui à travers vous s’étend à votre Ordre, rend pour moi très douloureuse. Mais elle a existé. Après la chute de l’Empire romain, qui était totalitaire, c’est l’Église qui la première a établi en Europe, au xiiie siècle, après la guerre des Albigeois, une ébauche de totalitarisme. Cet arbre a porté beaucoup de fruits.
Et le ressort de ce totalitarisme, c’est l’usage de ces deux petits mots : anathema sit.
C’est d’ailleurs par une judicieuse transposition de cet usage qu’ont été forgés tous les partis qui de nos jours ont fondé des régimes totalitaires. C’est un point d’histoire que j’ai particulièrement étudié.
Je dois vous donner l’impression d’un orgueil luciférien en parlant ainsi de beaucoup de choses qui sont trop élevées pour moi et auxquelles je n’ai pas le droit de rien comprendre. Ce n’est pas ma faute. Des idées viennent se poser en moi par erreur, puis, reconnaissant leur erreur, veulent absolument sortir. Je ne sais pas d’où elles viennent ni ce qu’elles valent, mais à tout hasard je ne me crois pas le droit d’empêcher cette opération.
Adieu. Je vous souhaite tous les biens possibles, sauf la croix ; car je n’aime pas mon prochain comme moi-même, vous particulièrement, comme vous vous en êtes aperçu. Mais le Christ a accordé à son ami bien-aimé, et sans doute à tous ceux de sa lignée spirituelle, de venir jusqu’à lui non pas à travers la dégradation, la souillure et la détresse, mais dans une joie, une pureté et une douceur ininterrompue. C’est pourquoi je peux me permet-