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contrainte s’est emparée de toute l’âme, on est dans l’état de perfection. Mais à quelque degré que l’on soit, il ne faut rien accomplir de plus que ce à quoi on est irrésistiblement poussé, non pas même en vue du bien.

Je me suis interrogée aussi sur la nature des sacrements, et je vais vous dire aussi ce qu’il m’en semble.

Les sacrements ont une valeur spécifique qui constitue un mystère, en tant qu’ils impliquent une certaine espèce de contact avec Dieu, contact mystérieux, mais réel. En même temps ils ont une valeur purement humaine en tant que symboles et cérémonies. Sous ce second aspect ils ne diffèrent pas essentiellement des chants, gestes et mots d’ordre de certains partis politiques ; du moins ils n’en diffèrent pas essentiellement par eux-mêmes ; bien entendu, ils en diffèrent infiniment par la doctrine à laquelle ils se rapportent[1]. Je crois que la plupart des fidèles ont contact avec les sacrements seulement en tant que symboles et cérémonies, y compris certains qui sont persuadés du contraire. Si stupide que soit la théorie de Durkheim confondant le religieux avec le social, elle enferme pourtant une vérité ; à savoir que le sentiment social ressemble à s’y méprendre au sentiment religieux. Il y ressemble comme un diamant faux à un diamant vrai, de manière à faire méprendre effectivement ceux qui ne possèdent pas le discernement surnaturel. Au reste la participation sociale et humaine aux sacrements en tant qu’ils sont des cérémonies et des symboles est une chose excellente et salutaire, à titre d’étape, pour tous ceux dont le chemin est tracé sur cette voie. Pourtant ce n’est pas là une participation aux sacrements comme tels. Je crois que seuls ceux qui sont au-dessus d’un certain niveau de spiritualité peuvent avoir part aux sacrements en tant que tels. Ceux qui sont au-dessous de

  1. Dans la foi de l’Église, ils en diffèrent surtout par l’institution divine. C’est le Seigneur Jésus qui les a voulus et qui leur donne leur efficacité.