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faut sentir la réalité et la présence de Dieu à travers toutes les choses extérieures sans exception, aussi clairement que la main sent la consistance du papier à travers le porte-plume et la plume.

Le second domaine est celui qui est placé sous l’empire de la volonté. Il comprend les choses purement naturelles, proches, facilement représentables au moyen de l’intelligence et de l’imagination, parmi lesquelles nous pouvons choisir, disposer et combiner du dehors des moyens déterminés en vue de fins déterminées et finies. Dans ce domaine, il faut exécuter sans défaillance ni délai tout ce qui apparaît manifestement comme un devoir. Quand aucun devoir n’apparaît manifestement, il faut tantôt observer des règles plus ou moins arbitrairement choisies, mais fixes ; et tantôt suivre l’inclination, mais dans une mesure limitée. Car une des formes les plus dangereuses du péché, ou la plus dangereuse, peut-être, consiste à mettre de l’illimité dans un domaine essentiellement fini.

Le troisième domaine est celui des choses qui sans être situées sous l’empire de la volonté, sans être relatives aux devoirs naturels, ne sont pourtant pas entièrement indépendantes de nous. Dans ce domaine, nous subissons une contrainte de la part de Dieu, à condition que nous méritions de la subir et dans la mesure exacte où nous le méritons. Dieu récompense l’âme qui pense à lui avec attention et amour, et il la récompense en exerçant sur elle une contrainte rigoureusement, mathématiquement proportionnelle à cette attention et à cet amour. Il faut s’abandonner à cette poussée, courir jusqu’au point précis où elle mène, et ne pas faire un seul pas de plus, même dans le sens du bien. En même temps, il faut continuer à penser à Dieu avec toujours plus d’amour et d’attention, et obtenir par ce moyen d’être poussé toujours davantage, d’être l’objet d’une contrainte qui s’empare d’une partie perpétuellement croissante de l’âme. Quand la