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racine baignait dans de grandes eaux… Aucun arbre du jardin de Dieu ne l’égalait en beauté… Tous les arbres d’Éden qui étaient au jardin de Dieu le jalousaient… Je l’ai répudié. Ils l’ont coupé, les étrangers, les plus violents des peuples, ils l’ont jeté là… Sur sa ruine habitaient tous les oiseaux du ciel… J’ai fait mener le deuil ; à cause de lui j’ai recouvert la source profonde… J’ai enténébré pour lui le Liban. »

Si seulement les grandes nations se trouvaient encore à l’ombre de cet arbre ! Jamais depuis l’Égypte on n’a trouvé ailleurs des expressions d’une douceur aussi déchirante pour la justice et la miséricorde surnaturelles envers les hommes. Une inscription vieille de quatre mille ans met dans la bouche de Dieu ces paroles : « J’ai créé les quatre vents pour que tout homme puisse respirer comme son frère ; les grandes eaux pour que le pauvre puisse en user comme le fait son seigneur ; j’ai créé tout homme pareil à son frère. Et j’ai défendu qu’ils commettent l’iniquité, mais leurs cœurs ont défait ce que ma parole avait prescrit. » La mort faisait de tout homme riche ou misérable un Dieu pour l’éternité, un Osiris justifié, s’il pouvait dire à Osiris « Seigneur de la vérité, je t’apporte la vérité. J’ai détruit le mal pour toi. » Pour cela, il fallait qu’il pût dire : « Je n’ai jamais mis en avant mon nom pour les honneurs. Je n’ai pas exigé qu’on fît pour moi un temps supplémentaire de travail. Je n’ai fait punir aucun esclave par son maître. Je n’ai fait mourir personne. Je n’ai laissé personne affamé. Je n’ai causé de peur à personne. Je n’ai fait pleurer personne. Je n’ai pas rendu ma voix hautaine. Je ne me suis pas rendu sourd à des paroles justes et vraies. »

La compassion surnaturelle pour les hommes ne peut être qu’une participation à la compassion de Dieu, qui est la Passion. Hérodote vit le lieu sacré où, près d’un bassin rond en pierre empli d’eau, on célébrait chaque année la fête qu’on nommait mystère et qui représentait