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la nudité et la pauvreté du Christ crucifié, saint Jean de la Croix qui ne désira rien au monde sinon la nudité d’esprit. Mais s’ils supportaient d’être nus, c’est qu’ils étaient ivres de vin ; ivres du vin qui coule tous les jours sur l’autel. Ce vin est le seul remède à la honte qui a saisi Adam et Ève.

« Cham vit la nudité de son père et alla dehors l’annoncer à ses deux frères. » Mais eux ne voulurent pas la voir. Ils prirent une couverture, et, marchant à reculons, couvrirent leur père.

L’Égypte et la Phénicie sont filles de Cham. Hérodote, confirmé par beaucoup de traditions et de témoignages, voyait dans l’Égypte l’origine de la religion et dans les Phéniciens les agents de transmission. Les Hellènes reçurent toute leur pensée religieuse des Pélasges, qui avaient presque tout reçu d’Égypte par l’intermédiaire des Phéniciens. Une page splendide d’Ézéchiel confirme aussi Hérodote, car Tyr y est comparée au chérubin qui garde l’arbre de vie dans l’Éden, et l’Égypte à l’arbre de vie lui-même — cet arbre de vie auquel le Christ assimilait le royaume des cieux, et qui eut comme fruit le corps même du Christ suspendu à la Croix.

« Entonne une élégie sur le roi de Tyr. Tu lui diras : … Tu étais le sceau de la perfection… Tu étais dans l’Éden, le jardin de Dieu… Tu étais le chérubin d’élection qui protège… Au milieu des pierres de feu tu circulais. Tu fus irréprochable dans ta conduite depuis le jour où tu fus créé jusqu’à ce que la perversité se rencontrât en toi… »

« Dis au Pharaon : … À quoi es-tu comparable ?… Il était un cèdre aux belles branches… Sa cime perçait les nuages. Les eaux l’avaient fait croître. Dans ses branches nichaient tous les oiseaux du ciel, et sous ses rameaux mettaient bas toutes les bêtes des champs. À son ombre demeuraient toutes les grandes nations. Il était beau dans sa grandeur, par la longueur de ses racines, car sa