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un levier qui nous arrache de l’imaginaire dans le réel, du temps dans l’éternité, et hors de la prison du moi.

ἐλθάτω ἡ βασιλεία σου.
« Vienne ton règne. »

Il s’agit maintenant de quelque chose qui doit venir, qui n’est pas là. Le règne de Dieu, c’est le Saint-Esprit emplissant complètement toute l’âme des créatures intelligentes. L’Esprit souffle où il veut. On ne peut que l’appeler. Il ne faut même pas penser d’une manière particulière à l’appeler sur soi, ou sur tels ou tels autres, ou même sur tous, mais l’appeler purement et simplement ; que penser à lui soit un appel et un cri. Comme quand on est à la limite de la soif, qu’on est malade de soif, on ne se représente plus l’acte de boire par rapport à soi-même, ni même en général l’acte de boire. On se représente seulement l’eau, l’eau prise en elle-même, mais cette image de l’eau est comme un cri de tout l’être.

γενηθήτω τὸ θέλημά σου.
« Soit accomplie ta volonté. »

Nous ne sommes absolument, infailliblement certains de la volonté de Dieu que pour le passé. Tous les événements qui se sont produits, quels qu’ils soient, sont conformes à la volonté du Père tout-puissant. Cela est impliqué par la notion de toute-puissance. L’avenir aussi, quel qu’il doive être, une fois accompli, se sera accompli conformément à la volonté de Dieu. Nous ne pouvons rien ajouter ni soustraire à cette conformité. Ainsi, après un élan de désir vers le possible, de nouveau, dans cette phrase, nous demandons ce qui est. Mais non plus une réalité éternelle comme est la sainteté du Verbe. Ici l’objet de notre demande est ce qui se produit dans le temps. Mais nous demandons la conformité infaillible et éternelle de ce qui se produit dans le temps avec la volonté