Oreste. Électre le voit, elle l’entend, elle le touche. Elle ne se demandera plus si son sauveur existe.
Celui à qui est arrivé l’aventure d’Électre, celui qui a vu, entendu et touché, avec l’âme elle-même, celui-là reconnaît en Dieu la réalité de ces amours indirects qui étaient comme des reflets. Dieu est la pure beauté. C’est là chose incompréhensible, car la beauté est sensible par essence. Parler d’une beauté non sensible, cela paraît un abus de langage à quiconque a dans l’esprit quelque exigence de rigueur ; et avec raison. La beauté est toujours un miracle. Mais il y a miracle au second degré quand une âme reçoit une impression de beauté non sensible, s’il s’agit non d’une abstraction, mais d’une impression réelle et directe comme celle que cause un chant au moment où il se fait entendre. Tout se passe comme si, par l’effet d’une faveur miraculeuse, il était devenu manifeste à la sensibilité elle-même que le silence n’est pas absence de sons, mais une chose infiniment plus réelle que les sons, et le siège d’une harmonie plus parfaite que la plus belle dont les sons combinés soient susceptibles. Encore y a-t-il des degrés dans le silence. Il y a un silence dans la beauté de l’univers qui est comme un bruit par rapport au silence de Dieu.
Dieu est aussi le véritable prochain. Le terme de personne ne s’applique avec propriété qu’à Dieu, et aussi le terme d’impersonnel. Dieu est celui qui se penche sur nous, nous malheureux réduits à n’être qu’un peu de chair inerte et saignante. Mais en même temps il est en quelque sorte aussi ce malheureux qui nous apparaît seulement sous l’aspect d’un corps inanimé d’où il semble que toute pensée soit absente, ce malheureux dont nul ne connaît ni le rang ni le nom. Le corps inanimé, c’est cet univers créé. L’amour que nous devons à Dieu, et qui serait notre perfection suprême si nous pouvions l’atteindre, est le modèle divin à la fois de la gratitude et de la compassion.