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et parfaite qui est celle de la Trinité et qui est l’essence même de Dieu. Il est impossible que deux êtres humains soient un, et cependant respectent scrupuleusement la distance qui les sépare, si Dieu n’est pas présent en chacun d’eux. Le point de rencontre des parallèles est à l’infini.


Amour implicite et amour explicite

Le catholique même le plus étroit n’oserait pas affirmer que la compassion, la gratitude, l’amour de la beauté du monde, l’amour des pratiques religieuses, l’amitié soient le monopole des siècles et des pays où l’Église a été présente. Ces amours dans leur pureté sont rares, mais on affirmerait même difficilement qu’ils aient été plus fréquents dans ces siècles et ces pays que dans les autres. Croire qu’ils peuvent se produire là où le Christ est absent, c’est amoindrir le Christ jusqu’à l’outrager ; c’est une impiété, presque un sacrilège.

Ces amours sont surnaturels ; et en un sens ils sont absurdes. Ils sont fous. Aussi longtemps que l’âme n’a pas eu contact direct avec la personne même de Dieu, ils ne peuvent s’appuyer sur aucune connaissance fondée soit sur l’expérience, soit sur le raisonnement. Ils ne peuvent donc s’appuyer sur aucune certitude, à moins d’employer le mot dans un sens métaphorique pour désigner le contraire de l’hésitation. Par suite il est préférable qu’ils ne soient accompagnés d’aucune croyance. Cela est intellectuellement plus honnête, et cela préserve mieux la pureté de l’amour. C’est à tous égards plus convenable. Concernant les choses divines, la croyance ne convient pas. La certitude seule convient. Tout ce qui est au-dessous de la certitude est indigne de Dieu.

Pendant la période préparatoire, ces amours indirects