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forte raison pour une vérité scientifique nouvelle, pour un beau vers. La recherche mène à l’erreur. Il en est ainsi pour toute espèce de bien véritable. L’homme ne doit pas faire autre chose qu’attendre le bien et écarter le mal. Il ne doit faire d’effort musculaire que pour n’être pas ébranlé par le mal. Dans le retournement qui constitue la condition humaine, la vertu authentique dans tous les domaines est chose négative, au moins en apparence. Mais cette attente du bien et de la vérité est quelque chose de plus intense que toute recherche.

La notion de grâce par opposition à la vertu volontaire, celle d’inspiration par opposition au travail intellectuel ou artistique, ces deux notions expriment, si elles sont bien comprises, cette efficacité de l’attente et du désir.

Les pratiques religieuses sont entièrement constituées par de l’attention animée de désir. C’est pourquoi aucune morale ne peut les remplacer. Mais la partie médiocre de l’âme a dans son arsenal beaucoup de mensonges capables de la protéger même pendant la prière ou la participation aux sacrements. Entre le regard et la présence de la pureté parfaite elle met des voiles qu’elle est assez habile pour nommer Dieu. Ces voiles, ce sont, par exemple, des états d’âme, sources de joie sensible, d’espérance, de réconfort, de consolation ou d’apaisement, ou bien un ensemble d’habitudes, ou bien un ou plusieurs êtres humains, ou bien un milieu social.

Un piège difficile à éviter est l’effort pour imaginer la perfection divine que la religion nous offre à aimer. En aucun cas nous ne pouvons rien imaginer qui soit plus parfait que nous-mêmes. Cet effort rend inutile la merveille de l’Eucharistie.

Il faut une certaine formation de l’intelligence pour pouvoir ne contempler dans l’Eucharistie que ce qui y est enfermé par définition ; c’est-à-dire quelque chose que nous ignorons totalement, dont nous savons seulement, comme dit Platon, que c’est quelque chose, et