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De même quand un être humain porte son regard et son attention sur l’Agneau de Dieu présent dans le pain consacré, une partie du mal qu’il contient en lui se porte sur la pureté parfaite et y subit une destruction.

Plutôt qu’une destruction, c’est une transmutation. Le contact avec la pureté parfaite dissocie le mélange indissoluble de la souffrance et du péché. La partie du mal contenu dans l’âme qui a été brûlée au feu de ce contact devient seulement souffrance, et souffrance imprégnée d’amour.

De la même manière, tout ce mal diffus dans l’Empire romain qui se concentra sur le Christ devint en lui seulement souffrance.

S’il n’y avait pas ici-bas de pureté parfaite et infinie, s’il n’y avait que de la pureté finie que le contact du mal épuise avec le temps, nous ne pourrions jamais être sauvés,

La justice pénale fournit une illustration affreuse de cette vérité. En principe c’est une chose pure, qui a pour objet le bien. Mais c’est une pureté imparfaite, finie, humaine. Aussi le contact ininterrompu avec le crime et le malheur mélangés épuise-t-il cette pureté et met-il à la place une souillure à peu près égale à la totalité du crime, une souillure qui dépasse de bien loin celle d’un criminel particulier.

Les hommes négligent de boire à la source de pureté. Mais la Création serait un acte de cruauté si cette source ne jaillissait pas partout où il y a crime et malheur. S’il n’y avait pas de crime et de malheur dans les siècles plus éloignés de nous que deux mille ans, dans les pays non touchés par les missions, on pourrait croire que l’Église a le monopole du Christ et des sacrements. Comment peut-on sans accuser Dieu supporter la pensée d’un seul esclave crucifié il y a vingt-deux siècles, si on pense qu’à cette époque le Christ était absent et toute espèce de sa-