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blier. L’Eucharistie est conventionnelle à un plus haut degré.

Même la présence humaine et charnelle du Christ était autre chose que la pureté parfaite, puisqu’il a blâmé celui qui le nommait bon, puisqu’il a dit : « Il vous est avantageux que je m’en aille. » Il est donc vraisemblablement plus complètement présent dans un morceau de pain consacré. Sa présence est plus complète pour autant qu’elle est plus secrète.

Pourtant cette présence fut sans doute encore plus complète, et aussi encore plus secrète, dans son corps charnel, au moment où la police se saisit de ce corps comme de celui d’un repris de justice. Mais aussi fut-l alors abandonné de tous. Il était trop présent. Ce n’était pas soutenable pour des hommes.

La convention de l’Eucharistie ou toute autre analogue est indispensable à l’homme ; la présence de la pureté parfaite lui est indispensable. Car l’homme ne peut diriger la plénitude de son attention que sur une chose sensible. Et il a besoin de diriger parfois son attention sur la pureté parfaite. Cet acte seul peut lui permettre, par une opération de transfert, de détruire une partie du mal qui est en lui. C’est pourquoi l’hostie est réellement l’Agneau de Dieu qui enlève les péchés.

Tout le monde sent le mal en soi, en a horreur et voudrait s’en débarrasser. Hors de nous nous voyons le mal sous deux formes distinctes, souffrance et péché. Mais dans le sentiment que nous avons de nous-mêmes cette distinction n’apparaît pas, sinon abstraitement et par réflexion. Nous sentons en nous-mêmes quelque chose qui n’est ni souffrance ni péché, qui est l’un et l’autre à la fois, la racine commune aux deux, un mélange indistinct des deux, en même temps souillure et douleur. C’est le mal en nous. C’est la laideur en nous. Pour autant que nous la sentons, elle nous fait horreur. L’âme la rejette comme on vomit. Elle la transporte par une