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L’absurdité du dogme de la présence réelle en constitue la vertu. Excepté le symbolisme si touchant de la nourriture, il n’y a rien dans un morceau de pain à quoi la pensée tournée vers Dieu puisse s’accrocher. Ainsi le caractère conventionnel de la présence divine est évident. Le Christ ne peut être présent dans un tel objet que par convention. Il peut y être de ce fait même parfaitement présent. Dieu ne peut être présent ici-bas que dans le secret. Sa présence dans l’Eucharistie est vraiment secrète, puisque aucune partie de notre pensée n’est admise au secret. Aussi est-elle totale.

Nul ne songe à s’étonner que des raisonnements opérés sur des droites parfaites et des cercles parfaits qui n’existent pas aient des applications effectives dans la technique. Pourtant cela est incompréhensible. La réalité de la présence divine dans l’Eucharistie est plus merveilleuse, mais non pas plus incompréhensible.

On pourrait dire en un sens, par analogie, que le Christ est présent dans l’hostie consacrée par hypothèse, de la même manière qu’un géomètre dit qu’il y a deux angles égaux dans tel triangle par hypothèse.

C’est parce qu’il s’agit d’une convention que la forme de la consécration importe seule, non l’état spirituel de celui qui consacre.

Si c’était autre chose qu’une convention, ce serait une chose au moins partiellement humaine, non pas totalement divine. Une convention réelle, c’est une harmonie surnaturelle, en prenant harmonie au sens pythagoricien.

Seule une convention peut être ici-bas la perfection de la pureté, car toute pureté non conventionnelle est plus ou moins imparfaite. Qu’une convention puisse être réelle, c’est un miracle de la miséricorde divine.

La notion bouddhiste de la récitation du nom du Seigneur a le même contenu, car un nom aussi est une convention. Pourtant l’habitude de confondre dans nos pensées les choses avec leur nom le fait facilement ou-