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tance. Les choses religieuses sont pures en droit, théoriquement, par hypothèse, par définition, par convention. Ainsi leur pureté est inconditionnée. Nulle souillure ne peut l’atteindre. C’est pourquoi elle est parfaite. Mais non pas parfaite à la manière de la jument de Roland, qui avec toutes les vertus possibles avait l’inconvénient de ne pas exister. Les conventions humaines sont sans efficacité, à moins qu’il ne s’y joigne des mobiles qui poussent les hommes à les observer. En elles-mêmes elles sont de simples abstractions ; elles sont irréelles et n’opèrent rien. Mais la convention selon laquelle les choses religieuses sont pures est ratifiée par Dieu même. Aussi est-ce une convention efficace, une convention qui enferme une vertu, qui par elle-même opère quelque chose. Cette pureté est inconditionnée et parfaite, et en même temps réelle.

C’est là une vérité de fait, qui par suite n’est pas susceptible de démonstration. Elle n’est susceptible que de vérification expérimentale.

En fait la pureté des choses religieuses est presque partout manifeste sous la forme de la beauté, quand la foi et l’amour ne font pas défaut. Ainsi les paroles de la liturgie sont merveilleusement belles ; et surtout la prière sortie pour nous des lèvres mêmes du Christ est parfaite. De même l’architecture romane, le chant grégorien sont merveilleusement beaux.

Mais au centre même il y a quelque chose qui est entièrement dépourvu de beauté, où rien ne rend la pureté manifeste, quelque chose qui est uniquement convention. Il faut qu’il en soit ainsi. L’architecture, les chants, le langage, même si les mots sont assemblés par le Christ, tout cela est autre chose que la pureté absolue. La pureté absolue présente ici-bas à nos sens terrestres comme chose particulière, cela ne peut être qu’une convention qui soit convention et rien d’autre. Cette convention placée au point central, c’est l’Eucharistie.