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sur un objet particulier ; il devient universel sans cesser d’être réel seulement par l’effet de l’analogie et du transfert.

Soit dit en passant, la connaissance de ce que sont l’analogie et le transfert, connaissance pour laquelle la mathématique, les diverses sciences et la philosophie sont une préparation, à ainsi un rapport direct avec l’amour.

Aujourd’hui, en Europe et peut-être même dans le monde, la connaissance comparée des religions est à peu près nulle. On n’a même pas la notion de la possibilité d’une telle connaissance. Même sans les préjugés qui nous font obstacle, le pressentiment de cette connaissance est déjà quelque chose de très difficile. Il y a entre les différentes formes de vie religieuse, comme compensations partielles des différences visibles, certaines équivalences cachées que peut-être le discernement le plus aigu peut seulement entrevoir. Chaque religion est une combinaison originale de vérités explicites et de vérités implicites ; ce qui est explicite chez l’une est implicite dans telle autre. L’adhésion implicite à une vérité peut quelquefois avoir autant de vertu qu’une adhésion explicite, et quelquefois même beaucoup plus. Celui qui connaît le secret des cœurs connaît seul aussi le secret des différentes formes de la foi. Il ne nous a pas révélé ce secret, quoi qu’on dise.

Quand on est né dans une religion qui n’est pas trop impropre à la prononciation du rom du Seigneur, quand on aime cette religion natale d’un amour bien orienté et pur, il est difficile de concevoir un motif légitime de l’abandonner, avant qu’un contact direct avec Dieu soumette l’âme à la volonté divine elle-même. Au delà de ce seuil, le changement n’est légitime que par obéissance. L’histoire montre qu’en fait, cela se produit rarement. Le plus souvent, toujours peut-être, l’âme parvenue aux