Le désir d’aimer dans un être humain la beauté du monde est essentiellement le désir de l’Incarnation. C’est par erreur qu’il croit être autre chose. L’Incarnation seule peut le satisfaire. Aussi est-ce bien à tort qu’on reproche parfois aux mystiques d’employer le langage amoureux. C’est eux qui en sont les légitimes propriétaires. Les autres n’ont droit qu’à l’emprunter.
Si l’amour charnel à tous les niveaux va plus ou moins vers la beauté — et les exceptions ne sont peut-être qu’apparentes — c’est que la beauté dans un être humain fait de lui pour l’imagination quelque chose comme un équivalent de l’ordre du monde.
C’est pour cela que les péchés dans ce domaine sont graves. Ils constituent une offense à Dieu du fait même que l’âme est inconsciemment en train de chercher Dieu. D’ailleurs, ils se ramènent tous à un seul qui consiste à vouloir plus ou moins se passer du consentement. Vouloir s’en passer tout à fait est parmi tous les crimes humains de beaucoup le plus affreux. Quoi de plus horrible que de ne pas respecter le consentement d’un être en qui on cherche bien que sans le savoir, un équivalent de Dieu ?
C’est un crime encore, quoique moins grave, de se contenter d’un consentement issu d’une région basse ou superficielle de l’âme. Qu’il y ait ou non union charnelle, l’échange d’amour est illégitime si de part et d’autre le consentement ne procède pas de ce point central de l’âme où le oui ne peut être qu’éternel. L’obligation du mariage, que l’on regarde aujourd’hui si souvent comme une simple convention sociale, est inscrite dans la nature même de la pensée humaine par l’affinité entre l’amour charnel et la beauté. Tout ce qui a quelque rapport à la beauté doit être soustrait au cours du temps. La beauté est l’éternité ici-bas.
Il n’est pas étonnant que l’homme ait si souvent dans la tentation le sentiment d’un absolu qui le dépasse infi-