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tel contact, étant ininterrompu, contamine nécessairement, et la forme de cette contamination est le mépris. C’est ce mépris qui rejaillit sur chaque accusé. L’appareil pénal est comme un appareil de transmission qui ferait rejaillir sur chaque accusé toute la quantité de souillure qu’enferme la totalité des milieux où habite le crime malheureux. Il y a dans le contact même avec l’appareil pénal une espèce d’horreur directement proportionnelle à l’innocence, à la partie de l’âme demeurée intacte. Ceux qui sont tout à fait pourris n’en reçoivent aucun dommage et n’en souffrent pas.

Il ne peut pas en être autrement s’il n’y a pas entre l’appareil pénal et le crime quelque chose qui purifie les souillures. Ce quelque chose ne peut être que Dieu. Seule la pureté infinie n’est pas contaminée par le contact du mal. Toute pureté finie, par ce contact prolongé, devient elle-même souillure. De quelque manière qu’on réforme le code, le châtiment ne peut pas être humain s’il ne passe pas par le Christ.

Le degré de sévérité des peines n’est pas ce qu’il y a de plus important. Dans les conditions actuelles, un condamné, bien que coupable et soumis à une peine relativement clémente eu égard à sa faute, peut être le plus souvent légitimement regardé comme ayant été victime d’une cruelle injustice. L’important est que la peine soit légitime, c’est-à-dire procède directement de la loi ; que la loi soit reconnue comme ayant un caractère divin, non pas par son contenu, mais en tant que loi ; que toute l’organisation de la justice pénale ait pour fin d’obtenir des magistrats et de leurs aides, pour l’accusé, l’attention et le respect dû par tout homme à quiconque se trouve à sa discrétion, et de l’accusé le consentement à la peine infligée, ce consentement dont le Christ innocent a donné le parfait modèle.

Une condamnation à mort pour une faute légère, infligée de cette manière, serait moins horrible qu’aujour-