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pure, n’est qu’une participation à cette même vertu, car seul peut la reconnaître celui qui en est capable. Les autres en éprouvent les effets sans la reconnaître.

Une telle vertu est identique à la foi réelle, en acte, dans le vrai Dieu. Les Athéniens de Thucydide pensaient que la divinité comme l’homme dans l’état de nature, commande jusqu’à l’extrême limite du possible.

Le vrai Dieu est le Dieu conçu comme tout-puissant, mais comme ne commandant pas partout où il en a le pouvoir ; car il ne se trouve que dans les cieux, ou bien ici-bas dans le secret.

Ceux des Athéniens qui massacrèrent les Méliens n’avaient plus aucune idée d’un tel Dieu.

Ce qui prouve leur erreur, c’est d’abord que, contrairement à leur affirmation, il arrive, quoique ce soit extrêmement rare, que par pure générosité un homme s’abstienne de commander là où il en a le pouvoir. Ce qui est possible à l’homme est possible à Dieu.

On peut contester les exemples. Mais il est certain que si dans tel ou tel exemple on pouvait prouver qu’il s’agit seulement de pure générosité, cette générosité serait généralement admirée. Tout ce que l’homme est capable d’admirer est possible à Dieu.

Le spectacle de ce monde est encore une preuve plus sûre. Le bien pur ne s’y trouve nulle part. Ou bien Dieu n’est pas tout-puissant, ou bien il n’est pas absolument bon, ou bien il ne commande pas partout où il en a le pouvoir.

Ainsi l’existence du mal ici-bas, loin d’être une preuve contre la réalité de Dieu, est ce qui nous la révèle dans sa vérité.

La création est de la part de Dieu un acte non pas d’expansion de soi, mais de retrait, de renoncement. Dieu et toutes les créatures, cela est moins que Dieu seul. Dieu a accepté cette diminution. Il a vidé de soi une partie de l’être. Il s’est vidé déjà dans cet acte de sa divinité ; c’est