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Nous vivons une époque tout à fait sans précédent, et dans la situation présente l’universalité, qui pouvait autrefois être implicite, doit être maintenant pleinement explicite. Elle doit imprégner le langage et toute la manière d’être.

Aujourd’hui ce n’est rien encore que d’être un saint, il faut la sainteté que le moment présent exige, une sainteté nouvelle, elle aussi sans précédent.

Maritain l’a dit, mais il a seulement énuméré les aspects de la sainteté d’autrefois qui aujourd’hui sont pour un temps au moins périmés. Il n’a pas senti combien la sainteté d’aujourd’hui doit enfermer en revanche de nouveauté miraculeuse.

Un type nouveau de sainteté, c’est un jaillissement, une invention. Toutes proportions gardées, en maintenant chaque chose à son rang, c’est presque l’analogue d’une révélation nouvelle de l’univers et de la destinée humaine. C’est la mise à nu d’une large portion de vérité et de beauté jusque-là dissimulées par une couche épaisse de poussière. Il y faut plus de génie qu’il n’en a fallu à Archimède pour inventer la mécanique et la physique. Une sainteté nouvelle est une invention plus prodigieuse.

Seule une espèce de perversité peut obliger les amis de Dieu à se priver d’avoir du génie, puisque pour recevoir la surabondance du génie il leur suffit de le demander à leur Père au nom du Christ.

C’est une demande légitime aujourd’hui tout au moins, parce qu’elle est nécessaire. Je crois que, sous cette forme ou sous toute autre équivalente, c’est la première demande à faire maintenant, une demande à faire tous les jours, à toute heure, comme un enfant affamé demande toujours du pain. Le monde a besoin de saints qui aient du génie comme une ville où il y a la peste a besoin de médecins. Là où il y a besoin, il y a obligation.

Je ne peux faire moi-même aucun usage de ces pen-