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fection ? Il ne vous convient nullement d’être imparfait. C’est comme une fausse note dans un beau chant.

Cette imperfection, c’est, je crois, l’attachement à l’Église comme à une patrie terrestre. Elle est en fait pour vous, en même temps que le lien avec la patrie céleste, une patrie terrestre. Vous y vivez dans une atmosphère humainement chaleureuse. Cela rend un peu d’attachement presque inévitable.

Cet attachement est peut-être pour vous ce fil presque infiniment mince dont parle saint Jean de la Croix, qui, aussi longtemps qu’il n’est pas rompu, tient l’oiseau à terre aussi efficacement qu’une grosse chaîne de métal. J’imagine que le dernier fil, quoique très mince, doit être le plus difficile à couper, car quand il est coupé il faut s’envoler, et cela fait peur. Mais aussi l’obligation est impérieuse.

Les enfants de Dieu ne doivent avoir aucune autre patrie ici-bas que l’univers lui-même, avec la totalité des créatures raisonnables qu’il a contenues, contient et contiendra. C’est là la cité natale qui a droit à notre amour.

Les choses moins vastes que l’univers, au nombre desquelles est l’Église, imposent des obligations qui peuvent être extrêmement étendues, mais parmi lesquelles ne se trouve pas l’obligation d’aimer. Du moins je le crois. Je suis convaincue aussi qu’il ne s’y trouve aucune obligation qui ait rapport à l’intelligence.

Notre amour doit avoir la même étendue à travers tout l’espace, la même égalité dans toutes les portions de l’espace, que la lumière même du soleil. Le Christ nous a prescrit de parvenir à la perfection de notre Père céleste en imitant cette distribution indiscriminée de la lumière. Notre intelligence aussi doit avoir cette complète impartialité.

Tout ce qui existe est également soutenu dans l’existence par l’amour créateur de Dieu. Les amis de Dieu