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de foi implicite. En pratique aussi vous avez une largeur d’esprit et une probité intellectuelle très exceptionnelles. Mais pourtant encore à mon avis très insuffisantes. La perfection seule est suffisante.

J’ai souvent, à tort ou à raison, cru reconnaître en vous des attitudes partiales. Notamment une certaine répugnance à admettre en fait, dans des cas particuliers, la possibilité de la foi implicite. J’en ai du moins eu l’impression en vous parlant de B… et surtout d’un paysan espagnol que je regarde comme n’étant pas très éloigné de la sainteté. Il est vrai que c’était sans doute surtout de ma faute ; ma maladresse est telle que je fais toujours du mal à ce que j’aime en en parlant ; je l’ai éprouvé très souvent. Mais il me semble aussi que lorsqu’on vous parle d’incroyants qui sont dans le malheur et acceptent leur malheur comme une partie de l’ordre du monde, cela ne vous fait pas la même impression que s’il s’agissait de chrétiens et de soumission à la volonté de Dieu. Pourtant c’est la même chose. Du moins si vraiment j’ai droit au nom de chrétienne, je sais par expérience que la vertu stoïcienne et la vertu chrétienne sont une seule et même vertu. La vertu stoïcienne authentique, qui est avant tout amour ; non pas la caricature qu’en ont faite quelques brutes romaines. Théoriquement, il me semble que vous non plus vous ne pourriez pas le nier. Mais vous répugnez à reconnaître en fait, dans des exemples concrets et contemporains, la possibilité d’une efficacité surnaturelle de la vertu stoïcienne.

Vous m’avez fait aussi beaucoup de peine un Jour où vous avez employé le mot faux quand vous vouliez dire non orthodoxe. Vous vous êtes repris aussitôt. À mon avis il y a là une confusion de termes incompatible avec une parfaite probité intellectuelle. Il est impossible que cela plaise au Christ, qui est la Vérité.

Il me semble certain qu’il y a là chez vous une sérieuse imperfection. Et pourquoi y aurait-il en vous de l’imper-