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ple concret et certain de foi implicite. Certain, car je sais que vous savez que je ne mens pas.

À tort ou à raison, vous pensez que j’ai droit au nom de chrétienne. Je vous affirme que lorsqu’à propos de mon enfance et de ma jeunesse j’emploie les mots de vocation, obéissance, esprit de pauvreté, pureté, acceptation, amour du prochain, et autres mots semblables, c’est rigoureusement avec la signification qu’ils ont pour moi en ce moment. Pourtant j’ai été élevée par mes parents et mon frère dans un agnosticisme complet ; et je n’ai jamais fait le moindre effort pour en sortir, je n’en ai jamais eu le moindre désir, avec raison à mon avis. Malgré cela, depuis ma naissance, pour ainsi dire, aucune de mes fautes, aucune de mes imperfections n’a vraiment eu pour excuse l’ignorance. Je devrai rendre complètement compte de toutes en ce jour où l’Agneau se mettra en colère.

Vous pouvez croire aussi sur ma parole que la Grèce, l’Égypte, l’Inde antique, la Chine antique, la beauté du monde, les reflets purs et authentiques de cette beauté dans les arts et dans la science, le spectacle des replis du cœur humain dans des cœurs vides de croyance religieuse, toutes ces choses ont fait autant que les choses visiblement chrétiennes pour me livrer captive au Christ. Je crois même pouvoir dire davantage. L’amour de ces choses qui sont hors du christianisme visible me tient hors de l’Église.

Une telle destinée spirituelle doit vous sembler inintelligible. Mais pour cette raison même cela est propre à faire un objet de réflexion. Il est bon de réfléchir à ce qui force à sortir de soi-même. J’ai peine à imaginer comment il se peut que vous ayez vraiment quelque amitié pour moi ; mais puisqu’apparemment il en est ainsi, elle pourrait avoir cet usage.

Théoriquement vous admettez pleinement la notion