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ou de millions d’êtres humains, sera peut-être frappé dans sa carrière. Il n’aura rien à souffrir dans sa chair.

C’est un monstrueux renversement de la justice. L’injustice n’est pas seulement monstrueuse envers le miséreux. Elle est pire envers le chef. Avec tant de possibilités de mal, il est cruel de le laisser mener dans la solitude le combat des bonnes et des mauvaises inclinations. Une juste compassion obligerait à aider la partie de son âme qui veut le bien en soumettant la partie mauvaise à la peur du châtiment.

Le peuple, lui, vivrait dans un sentiment stable et confiant de justice et de légitimité si, à l’échelle du pouvoir social, correspondait, échelon par échelon, une échelle croissante de châtiments. Celui qui ne peut presque rien ni pour le bien ni pour le mal ne doit avoir presque rien à souffrir, et cela quoi qu’il fasse, tant qu’il s’abstient de violences sur les personnes. Celui qui consent à occuper une situation où on peut beaucoup et pour le bien et pour le mal doit souffrir beaucoup, et dans son honneur, et dans sa chair, et dans toute sa destinée, s’il fait le mal.

C’est là le véritable équilibre social. Il s’appuie uniquement sur l’institution judiciaire.

Mais si c’est là un principe de légitimité convenable, il convient mille fois davantage dans une période troublée, où on ne peut éviter des responsabilités atroces, et où toutes les formes accoutumées de légitimité ont disparu.


Voici la conclusion.

Assez peu de gens mettent en doute le désir de légitimité qui inspire le général de Gaulle. Il y a dans ses paroles un accent de sincérité et d’honneur qui persuade. Si, d’ici la libération du territoire, cette confiance persiste et s’accroît, si son autorité est de plus en plus reconnue par une obéissance effective, cela suffira, sauf excès de complications internationales,