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charge de montrer au public des choses à louer, à admirer, à espérer, à rechercher, à demander, quelques-uns au moins résolvaient dans leur cœur de mépriser absolument et sans exception tout ce qui n’est pas le bien pur, la perfection, la vérité, la justice, l’amour.

Davantage serait fait si la plupart de ceux qui détiennent aujourd’hui des morceaux d’autorité spirituelle sentaient l’obligation de ne jamais proposer aux aspirations des hommes que du bien réel et parfaitement pur.


Quand on parle du pouvoir des mots il s’agit toujours d’un pouvoir d’illusion et d’erreur. Mais, par l’effet d’une disposition providentielle, il est certains mots qui, s’il en est fait un bon usage, ont en eux-mêmes la vertu d’illuminer et de soulever vers le bien. Ce sont les mots auxquels correspond une perfection absolue et insaisissable pour nous. La vertu d’illumination et de traction vers le haut réside dans ces mots eux-mêmes, dans ces mots comme tels, non dans aucune conception. Car en faire bon usage, c’est avant tout ne leur faire correspondre aucune conception. Ce qu’ils expriment est inconcevable.

Dieu et vérité sont de tels mots. Aussi justice, amour, bien.

De tels mots sont dangereux à employer. Leur usage est une ordalie. Pour qu’il en soit fait un usage légitime, il faut à la fois ne les enfermer dans aucune conception humaine et leur joindre des conceptions et des actions directement et exclusivement inspirées par leur lumière. Autrement ils sont rapidement reconnus par tous comme étant du mensonge.

Ce sont des compagnons inconfortables. Des mots comme droit, démocratie et personne sont plus commodes. À ce titre ils sont naturellement préférables aux yeux de ceux qui, même avec de bonnes intentions, ont assumé des fonctions publiques. Les fonc-