pouvoir faire. Je n’ai pas de spécialité, de qualifications techniques particulières ; je n’ai rien en dehors de la culture générale qui nous est commune, excepté (si cela peut être utilisé) une certaine expérience des milieux populaires acquise par contact personnel. J’ai été un an ouvrière sur machines dans diverses usines de la région parisienne, dont Renault, en 1934-35 ; j’avais pris un an de congé pour cela. J’ai encore les certificats. L’été dernier, j’ai travaillé dans les champs, notamment six semaines comme vendangeuse dans un village du Gard.
Toute tâche n’exigeant pas de connaissances techniques et comportant un degré élevé d’efficacité, de peine et de danger me conviendrait parfaitement.
La peine et le péril sont indispensables à cause de ma conformation mentale. Il est heureux que tous ne l’aient pas, sans quoi toute action organisée serait impossible, mais moi, je ne puis pas la changer ; je le sais par une longue expérience. Le malheur répandu sur la surface du globe terrestre m’obsède et m’accable au point d’annuler mes facultés, et je ne puis les récupérer et me délivrer de cette obsession que si j’ai moi-même une large part de danger et de souffrance. C’est donc une condition pour que j’aie la capacité de travailler.
Je vous supplie de me procurer, si vous pouvez, la quantité de souffrance et de danger utiles qui me préservera d’être stérilement consumée par le chagrin. Je ne peux pas vivre dans la situation où je me trouve en ce moment. Cela me met tout près du désespoir.
Je ne peux pas croire qu’on ne puisse pas me procurer cela. L’afflux des demandes ne doit pas être tel, pour les tâches dangereuses et pénibles, qu’il n’y ait pas une place disponible. Et même s’il n’y en a pas, il est facile d’en créer. Car il y a beaucoup, beaucoup à faire, vous le savez comme moi.