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— 66 — Le cardinal. — A l’œuvre alors. Et bonne chance... (Exit.) BOSOLA. — Les yeux de ce coquin nourrissent des serpents. Il a trempé dans le meurtre et il affecte d’ignorer la mort de la duchesse. Voilà sa ma- lice! Mais nous jouerons au plus fin. Il n’y a pas de piste plus sûre que celle d’un vieux renard. .. Rentre JULIA JULIA. — Enchantée de vous rencontrer, Monsieur... BosOLA. — Que voulez- vous dire? JULIA. — Inutile de feindre avec moi. Les portes sont bien fermées. Allons, avouez-moi de bonne grâce votre perfidie. BOSOLA. — Ma perfidie! JULIA. — Oui, je veux vous faire nommer celle de mes femmes que vous avez déterminée à verser de la poudre d’amour dans ma coupe... BosOLA. — De la poudre d’amour? JULIA. — Oui, lorsque j’étais à Malfi. Comment aurais-je pu, sinon, m’amouracher d’un visage comme le tien? Je n’ai que trop souffert à cause de toi, et toi seul peux étancher ma soif haletante... BosOLA. — Vous me mettez le pistolet sur la gorge Pistolet chargé, je le veux bien, de parfums et de fruits suaves, mais avouez, excellente dame, que votre façon de me signifier votre ardeur, est pour le moins originale! Allons, venez, venez, que je vous désarme et vous arme à mon tour. C’est égal, l’aventure est étrange... JULIA. — Regarde ton image dans mes yeux et tu ne trouveras plus ma préférence si bizarre ! Après cela, libre à toi de me traiter de débauchée. Avoue plutôt que cette jolie pudeur tant vantée chez les femmes n’est qu’un témoin gênant et indiscret qui les hante. . . BosOLA. — Me connaissez-vous? Je ne suis qu’un grossier soldat... JULIA. — Tant mieux. Ils manquent de feu ceux qui n’ont pas d’éclats de brutalité... BosOLA. — J’aurais besoin de vernis... JULIA. — L’ignorance des façons de la cour n’est pas un obstacle à ce que j’attends de vous.... BOSOLA. — Vous, si joHe! JULIA. — Non, si vous me faites un grief de ma beauté, je vais plaider mon innocence... BOSOLA. — Vos yeux magnifiques contiennent un carquois de flèches plus perçantes que les rayons du soleil...