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Le cardinal. — Vous serez toujours les bienvenus. (Exeunt Pescara, Malatesti et le docteur.) Ah, vous voilà ! Fort bien. (À part.) Il faut à tout prix que ce gaillard ignore la part que j’ai prise au meurtre de la duchesse ; car quoique je l’aie conseillé, le tout semble être l’œuvre de Ferdinand. — Eh bien, Monsieur, comment se porte notre gracieuse sœur ? Je ne crois pas que ce soit le chagrin seul qui la fait ressembler à une robe trop souvent teinte ! Je compte la réconforter. D’où vous vient cet air hagard ? C’est, sans doute, l’état de votre maître, le prince Ferdinand, qui vous abat ainsi… Mais rassurez-vous… Si vous me rendez l’unique service que j’attends de vous, c’est moi, désormais, qui satisferai votre ambition, au cas où le duc irait reposer sous une froide pierre tombale…

Bosola. — Parlez. Pour que je m’empresse de vous servir.


Entre JULIA.


Julia. — Seigneur, le souper vous attend…

Le cardinal. — Laisse-moi, je suis occupé…


Julia, (à part, dévisageant Bosola). — Ce gaillard a vraiment excellente mine. (Exit.)

Le cardinal. — À la question… Antonio rôde ici, à Milan ; tu vas le rechercher et tu le tueras… Tant qu’il vivra, ma sœur ne pourra se remarier et je lui destine un glorieux parti… Obéis et je me charge de ton avancement…

Bosola. — Mais comment dénicher Antonio…

Le cardinal. — Il se trouve pour le moment ici, au camp, un gentilhomme nommé Délio, depuis longtemps l’ami intime d’Antonio. Aie l’œil ouvert sur ce personnage. Suis-le lorsqu’il se rend à la messe ; il se peut qu’Antonio l’accompagne malgré le dédain qu’il professait pour la religion, une simple mode, un préjugé d’après lui, ou sinon, informe-toi du confesseur de Délio et tache d’apprendre de ce prêtre, en le corrompant, où se cache Antonio. Il y a mille façons de découvrir sa trace. Ainsi tu pourrais te renseigner sur les gens qui harcèlent et galopent en ce moment les juifs aux fins de leur emprunter de grosses sommes d’argent ; car il est certes au nombre de ces besogneux… Ou bien encore, tu pourrais savoir par les peintres quel personnage acheta récemment le portrait de la duchesse… L’un ou l’autre de ces moyens ne peut manquer de te réussir.

Bosola. — Je ne perdrai pas de temps. Il me tarde d’expédier ce misérable Antonio…