La duchesse. — Il n’y a qu’un instant, tu le donnais pour le fossoyeur…
Bosola. — C’était afin de vous préparer par degrés à la douleur. Écoute…
À présent que tout repose,
L’appel morose du veilleur
Et le cri du chat-huant
Ont invité notre dame
À endosser au plus vite
Sa robe : le linceul blanc.
Qui régna sur un empire
Tiendra dans l’étroit caveau !
Tant de fatigue à la tête !
Tant de glaives dans le cœur !
Viens, parfume tes cheveux !
Ce linge frais sur ta chair !
Un crucifix dans les mains !
Pour éloigner le maudit.
Profitons de la marée haute.
Cesse de gémir et viens !
Cariola. — Arrière, misérables, scélérats, assassins !… Hélas !… Qu’allez-vous faire à ma maîtresse ?… Au secours !
La duchesse. — Qui appeler ? Nos proches voisins ? Les fous de tout à l’heure ?
Bosola (à Cariola). — Cesse de crier.
La duchesse. — Adieu, Cariola. Je n’ai que peu de chose à te laisser. Tant de parasites se sont partagés mon bien…
Cariola. — Je veux mourir avec elle !
La duchesse. — N’oublie pas de donner un peu de sirop à mon petit garçon pour son rhume, et fais réciter ses prières à ma petite fille avant de la coucher. (Les bourreaux entraînent Cariola.) Je suis à votre disposition. Quelle mort ?
Bosola. — La corde ! Voici vos exécuteurs.
La duchesse. — Je leur pardonne. Une toux, l’apoplexie, le catarrhe en feraient autant.
Bosola. — La mort ne vous effraie pas ?
La duchesse. — Qui en aurait peur, sachant rencontrer si bonne compagnie dans l’autre monde ?
Bosola. — J’ai craint pourtant que ce genre de mort vous terrifierait.
La duchesse. — Pas le moins du monde. Croyez-vous qu’il serait moins cruel d’avoir la gorge coupée par des diamants ; ou d’être étouffée sous des fleurs de cassie ou lapidée avec des perles ? Les dix mille portes de sortie