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mée coulera aussi de toutes les plumes, et les hérauts s’époumoneront à la proclamer.

La duchesse. — Je voudrais trouver en vous un confident aussi discret qu’un panégyriste affectueux…

Bosola. — Le secret de ma souveraine restera celé au plus profond de mon cœur !

La duchesse. — Chargez-vous de tout ce que je possède d’argent et de valeurs ; suivez Antonio ; il se retire à Ancône.

Bosola. — Vraiment !

La duchesse. — Où je compte le rejoindre d’ici à quelques jours.

Bosola. — Que je réfléchisse un instant. Je conseillerais à Votre Grâce de prétexter un pèlerinage à Notre-Dame de Lorette, située seulement à sept lieues de la riante Ancône. De cette façon vous pourriez quitter le pays avec plus de prestige, et comme vous seriez accompagnée d’une escorte et de votre suite habituelle, votre fuite aurait l’air d’un simple voyage.

La duchesse. — Je me laisse guider par vous, Monsieur.

Cariola. — À mon humble avis, la princesse ferait mieux de se rendre aux bains de Lucca ou de visiter Spa et l’Allemagne, car pour vous dire toute ma pensée, je n’aime pas beaucoup ce simulacre de pèlerinage qui tourne en dérision la religion.

La duchesse. — Tu n’es qu’une petite sotte superstitieuse ! Prépare tout à l’instant pour notre départ. (Exeunt la Duchesse et Cariola.)

Bosola. — La cervelle d’un politicien c’est l’enclume du diable ! Tous les maux imaginables s’y forgent, sans qu’on entende résonner les marteaux. Ces forges-là, comme je viens de le prouver, ne donnent pas même l’éveil à la sensibilité féminine. Que faire à présent ? Parbleu, tout révéler à mon maître ! Ô l’odieux métier d’espion ! Tant pis ! Voici qui avancera joliment mes affaires !


Scène III

Un appartement dans le palais du cardinal, à Rome.


Entrent LE CARDINAL, FERDINAND, MALATESTI, PESCARA, DÉLIO et SILVIO


Le cardinal. — Il nous va donc falloir guerroyer.

Malatesti. — L’empereur, se rappelant vos exploits avant que vous eussiez dépouillé la cuirasse pour la pourpre, vous confie le commandement de ses armées de partage avec le marquis de Pescara, cet heureux capitaine, et le non moins fameux Lannoy…