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— 7 — Ferdinand. — Qu’on l’appelle. (Exit un serviteur.) Nous sommes sur notre départ. Bon seigneur Silvio, recommandez-nous au souvenir de tous nos amis de la Ligue. Silvio. — Je n’y manquerai pas, Monsieur. Ferdinand. — Vous allez à Milan ? Silvio. — En effet. La duchesse. — Faites avancer les carrosses. Nous vous conduirons jusqu’au port. [Exeuntla. duchesse, Silvio, Castruccio, Roderigo, Grisolan, Cariola, Julia et les serviteurs.) Le cardinal. — Ce Bosola est un espion à vos gages. Voilà pourquoi, ne voulant qu’il servît deux maîtres à la fois, je l’ai encore éconduit ce matin, lorsqu’il sollicitait ma protection. Ferdinand. — Antonio, le grand maître de sa maison, m’aurait mieux convenu... Le cardinal. — Vous le jugez mal : sa nature est trop honnête pour pareil emploi Voici votre homme. Je vous laisse à vos affaires. {Exit.) Rentre BOSOLA Bosola. — Vous m’avez appelé ? Ferdinand. — Le cardinal, mon frère, que voilà, n’a jamais pu vous souffrir... Bosola. — Jamais depuis qu’il est mon débiteur... Ferdinand. — Il se peut que quelque trait oblique de votre visage le fait vous suspecter... Bosola — Étudie-t-il la physiognomonie ? Il ne faut pas accorder plus de crédit au visage qu’à l’urine du malade, que quelques-uns appellent la p... des médecins, parce qu’elle ne cesse de les duper. Votre frère me suspectait à tort. Ferdinand. — Laissons aux grands personnages le temps de se recon- naître ? La défiance est cause que nous sommes rarement trompés. En secouant fréquemment le cèdre, on enfonce plus solidement ses racines. Bosola. — Pourtant, prenez garde ! En vous défiant à tort d’un ami, vous lui apprenez à vous soupçonner à son tour et vous l’excitez à vous tromper... Ferdinand. — Voici de l’or... Bosola. — Vraiment. Et après ? Pareils grêlons ne tombent jamais sans entraîner un orage à leur suite. A qui dois-je couper la gorge ? Ferdinand. — Ton penchant à répandre le sang court la poste et devance l’occasion que j’aurais de t’utiliser. Je te donne cela pour vivre ici,