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était entêté, mais il avait été obligé de demander grâce.

— Je vais vous dire encore une chose, continua Robert d’une voix furieuse, je vais descendre cette côte-là à bride abattue et nous écraser en bas, et nous serons couchés dans la même tombe.

— Oh, Robert, pourquoi la chair et le sang ne peuvent-ils supporter cela ?

Robert lui lança un regard, un coup d’œil rapide, farouche, comme un rayon de lumière concentrée. Puis il tourna de nouveau la tête vers le Donjon.

— Allons, dit-il, en route, Winny, ou nous manquerons ce maudit train.

Ils roulèrent quelques milles sans parler. Enfin, après avoir franchi bien des vallées et des hauteurs solitaires, ils grimpèrent la dernière montée raide et du sommet eurent une vue d’ensemble du Donjon Mallard : il était là ce village où pour Robert finissait le plaisir. Là brillaient ses toits rapprochés, la tour carrée de son église et sa gare en miniature, le tout groupé au flanc d’une colline, insignifiant comme un château de cartes. Au delà s’étendaient des prairies, des bois sur les pentes, un fond bleuâtre, un lointain violet, des collines couleur de fumée et d’autres encore si pâles qu’elles s’évanouissaient dans le ciel. Tout autour d’eux des pluviers couraient dans les champs de betteraves ou tournoyaient dans l’air avec leur cri plaintif d’hiver. Un train de marchandises, qui avait l’air d’un jouet, sortit sans bruit de la gare lointaine et un panache de fumée blanche se détacha comme une bulle de savon sur le fond sombre des bois. Une odeur âcre d’herbes brûlées montait d’un feu invisible quelque part au bas de la route. Une grive, qui se balançait sur la plus haute branche d’un sapin odorant, chantait avec une douceur émouvante. Robert regardait, écou-