Page:Webb - Sept pour un secret, 1933.djvu/94

Cette page a été validée par deux contributeurs.

de Suède et était si contente de ses chaussures qu’elle ne voulait pas les cacher sous la couverture. Le cœur de cornaline ajoutait une suprême note d’élégance, bref, Gillian se faisait l’effet d’une véritable lady.

— Eh bien, murmura Robert quand ils eurent fait un mille en silence, pendant lequel il avait lancé bien des regards à la dérobée, si jamais j’aurais cru !

— Ce n’est pas trop mal, n’est-ce pas ?

— Pas trop mal ? Vous êtes la Reine de Mai, Mademoiselle Gillian.

— Mademoiselle ?

— Oh maintenant il faudra vous donner du Mademoiselle.

— Je ne le serai pas toujours.

Brusquement, Robert cingla la jument qui en fut stupéfaite. C’était bien la première fois… qu’était-il donc arrivé à ce cher maître ? Quelle faute avait-elle commise ? Indignée, presque révoltée, elle emporta le cabriolet à toute allure jusqu’à la limite des terres de la ferme. Ils étaient maintenant en face du ruisseau. Ces champs voisins semblaient toujours se demander protection mutuelle contre les terrains incultes qui s’étendaient de tous côtés, vides, violets et silencieux.

Pour cacher la fureur soudaine qui s’emparait de lui à la pensée du mariage de Gillian, Robert désigna du fouet la longue et étroite bande de mélèzes rabougris et de bouleaux, dite le Gyland (la friche), qui montait en pente raide de l’autre côté du ru jusqu’aux premiers champs qui dépendaient de la Sirène.

— Sauvage, vraiment sauvage cet endroit, dit-il.

— Oh oui !

Gillian n’avait pas remarqué son trouble, tout absorbée qu’elle était par la pensée que ce soir elle serait « dans le monde ».