Robert posa la plume et le papier sur la commode, à côté de la boîte en coquillages et de la Bible qu’on avait toujours sous la main, et se remit à tailler ses chevilles.
En lavant sa vaisselle, Mme Makepeace se disait : « Voilà comment ça va marcher. Pas un mot à elle, pas un à moi. Ce sera merveille si le Seigneur tout-puissant en arrache un au garçon. Il se contentera de ruminer son chagrin. Qu’est-ce que c’est que cette lettre qu’il va écrire quand nous serons montés ? »
Elle alla chercher son bougeoir.
— Il est temps pour nous de nous retirer, mon chéri.
— C’est ce que dit Lord Umphrey quand le Carrosse noir est venu chercher Lady Rosanna Tempest, déclara Jonathan. « Il est temps pour nous de nous retirer », dit-il. Et elle monta dedans, et les voilà partis. Et tout disparut, car Lord Umphrey était le diable en personne, et on ne les a jamais revus.
— Il pleut tout doucement, dit Abigaïl, en ouvrant la porte pour regarder la nuit.
— Mauvaise route pour demain, mère.
— Ah, Bob ! soupira-t-elle.
Quand elle s’agenouilla, en chemise de nuit écrue, les épaules couvertes du châle rouge que lui avait donné son John, elle ajouta à ses prières une requête spéciale pour son fils : « Permettez, Seigneur, que Mlle Gillian, et le maître, et tout le monde se courbent devant la volonté de mon fils comme le blé sous le vent. Amen. »
Cette prière s’adressait-elle au Christ, ou à Jéhova, ou à un dieu du paganisme, on ne saurait le dire. Dès qu’il fût seul, Robert prit son papier à lettre et sa plume, et commença sa lettre qui fut très courte,