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Robert se leva, jeta ses chevilles par terre et se mit à marcher de long en large dans la petite salle. Deux pas et demi, puis demi-tour, deux pas et demi, puis demi-tour. Il fallait faire taire ce vieux bavard, ou l’aiguiller dans une autre direction.

— Contez-moi la première arrivée de la sirène, dit-il.

— Jetée à la côte à Aberdovey. Ah, voilà ce qui est arrivé. De hautes marées qu’ils ont, des fois, à Aberdovey. C’était une marée de printemps comme on n’en a plus revu. Une masse de coquillages et d’algues bizarres est arrivée avec le flot, et des poissons de couleur et des fleurs de mer venant de pays lointains. Et puis elle. Elle était couchée là, évanouie au milieu des varechs verts, et un pêcheur l’a trouvée et est devenu fou d’amour pour elle. Alors elle l’a entortillé et ensorcelé, et elle lui chantait ;

« Reviens à la mer, pêcheur, reviens à la mer  »
« Pas de danger », qu’il dit, et il l’embrasse.
« Alors, mets-moi dans de l’eau fraîche, pourvu que ce soit de l’eau. »
« Et qu’est-ce que tu me donneras ? » qu’il dit.
« Mon amour, pour une nuit. »
« Mais tu es une sirène glacée, tu ne peux pas aimer. »
« Je me ferai mortelle pour une nuit. »


Alors, pour une nuit, elle n’a été qu’une mortelle, Et à l’aube grise il l’a jetée dans la rivière et elle a remonté le courant jusqu’au sommet d’une montagne, puis elle a traversé jusqu’à la source d’un autre torrent, et encore d’un autre, et enfin elle est arrivée à l’auberge de Dysgwlfas, juste où le petit ru tombe dans la rivière. Alors elle a chanté pour l’aubergiste et l’a séduit. Certains disent qu’ils sont descendus jusqu’à la Severn et à la mer. Mais on n’a plus jamais entendu parler de l’aubergiste, seulement on a trouvé dans les flaques