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— On le prétend, fit Jonathan avec un rire étouffé.

— Où a-t-on dit ça ?

— Au Cabaret, à La Fille Nue.

— Je n’aime pas ce nom-là. Pourquoi ne dit-on pas Au repos de la Sirène, comme c’est écrit sur l’enseigne ?

— Eh ben, mon gars, elle est là au-dessus de la porte, effrontée comme la Femme de Babylone, nue jusqu’à la taille : nous l’appelons ce qu’elle est, heureux encore qu’elle ait des écailles décentes. Elle n’est pas si inconvenante qu’Éve dans la Bible de feu ma mère. Ça ne m’étonne pas qu’Adam ait mal tourné. Si celle-là avait acheté une chemise de calicot, un corset, deux, trois jupons et une jolie robe imprimée avec un tablier, il n’y aurait pas eu ces « jeux de mai » avec le serpent, la pomme et je ne sais quoi encore. P’t'être que leur aîné aurait été un garçon convenable qui aurait élevé sa famille près des vieux, et alors, il n’y aurait pas eu de nègres.

— Pourquoi pas ?

— Les enfants de l’amour de Caïn, ç’a été le commencement des moricauds.

Où Jonathan avait-il acquis sa connaissance — d’ailleurs apocryphe — des écritures, c’est un mystère. Avec les légendes populaires du pays, c’était le fond des histoires pour lesquelles il était réputé.

— Badigeonnez-moi cette fille, que je dis, ou mettez-lui un corsage. Comme ça elle tire l’œil, et c’est mauvais pour les garçons. Car jusqu’à ce qu’ils se marient et découvrent quelle pauvre chose c’est qu’une femme, ils se figurent que c’en est une curieuse et magnifique. Soudain, au milieu du rêve de canards sauvages et de pélargoniums, l’image de Gillian surgit sur le ciel vert avec le corps pâle et souple de la sirène de l’enseigne.